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fondements theoriques

Schémas mentaux et apprentissages abstraits, aspects généraux.

Publié le par Pedagogieautisme

Schémas mentaux et apprentissage abstrait, généralités.

 

Les schémas mentaux tels que je les entends ici sont décris sur cette autre page du blog . Si vous n'avez pas lu cette page, je vous recommande de la lire avant d'aborder la page présente.

 

Postulats :

  • Pour qu'une connaissance nouvelle abstraite puisse être intégrée, elle doit pouvoir être « rangée » dans un schéma mental.

  • La formation et la manipulation des schémas mentaux se fait de façon automatique lorsque la personne est cognitivement engagée dans la tâche, sans qu'elle ait à mobiliser de processus conscient.

 

Ainsi, lorsqu'un nouvel apprentissage abstrait est proposé à une personne, 2 cas de figure sont possibles:

 

1 – Un schéma mental pertinent préexistant est déjà affecté à la notion étudiée:

C'est la cas quand l'exposé de la notion nouvelle est précédé par suffisamment d'expériences concrètes, celles-ci permettant au cerveau d'élaborer un schéma dans lequel les différentes données issues de l'expérience peuvent former un tout cohérent. Quand la conceptualisation explicite intervient, chaque item trouve sa place dans cette architecture dédiée déjà opérationnelle. C'est là qu'est tout l'intérêt des manipulations nombreuses et répétées à l'école maternelle.

Une personne qui manipule, qui s'imprègne, qui tâtonne, développe inconsciemment des schémas mentaux, lesquels servent de support à l'intuition, même en l'absence d'apprentissage explicite. Quand l'apprentissage formalisé intervient, chaque élément trouve naturellement et facilement sa place.

C'est la raison pour laquelle la théorie de la relativité d'Einstein est si difficile à comprendre. Rien dans notre expérience vécue ne permet de développer des schémas mentaux pertinents pour de tels concepts.

J'aime à dire qu'on ne comprend facilement que ce qu'on sait déjà, c'est à dire ce pour quoi on a déjà construit des schémas mentaux via les expériences vécues.

 

2 – Aucun schéma n'est identifié à priori comme applicable à la nouvelle notion, le cerveau met en route l'« usine à schémas » :

 

Des hypothèses sont faites, de schémas sont essayés, rejetés ou validés, remaniés, combinés. Le cerveau bricole, confronte les pistes de solutions, et réussit, ou non, à élaborer un schéma sur mesure pour le nouveau concept. C'est à ce niveau que l'erreur est utile et que la pédagogie par essai-erreur est efficace. Elle est le lieu privilégié de ces tâtonnements mentaux.

Pour aider l'apprenant, la personne en charge de la transmission du savoir peut utiliser différentes stratégies, celles-ci pouvant être conscientes ou non :

 

  • Indiquer d'emblée un schéma qu'elle sait préexistant chez son auditoire afin qu'il soit exploité pour la nouvelle notion en utilisant des métaphores

 

Par exemple, dans le dossier « Quand l'hypnose libère la conscience » paru dans le magazine « Cerveau et Psycho » de février 2021, on peut lire, écrit par Jean Becchio et Bruno Suarez :

« En 2011, Paul Thibodeau et Lera Boroditsky, de l'université Stanford, ont fait lire un rapport sur la criminalité à plusieurs centaines de volontaires, en utilisant deux métaphores différentes. Quand la criminalité était décrite comme une bête sauvage, 75% des participants ont préconisé des mesures punitives, comme la construction de nouvelles prisons. Mais quand elle était décrite comme une maladie qui rongeait la ville, ce chiffre tombait à 56%, le reste des sujets choisissant plutôt des mesures économiques, sociales, éducatives ou sanitaires. »

On voit bien ici comment la métaphore utilisée va orienter les personnes vers l'utilisation d'un schéma mental préexistant, ou d'un autre.

 

Remarque : À ce sujet, les travaux de George Lakoff,professeur de linguistique cognitive à l’Université de Californie (Berkeley) , sont intéressants. Je cite la page Wikipédia le concernant : « Dans Les Métaphores dans la vie quotidienne, coécrit avec Mark Johnson (en), Lakoff s'oppose à la conception courante selon laquelle les métaphores ne relèveraient que de l'imagination poétique, sans affecter la pensée ou l'action elle-même. Il soutient que les métaphores sont présentes à chaque instant de notre vie, orientant notre perception et notre pensée et étant ainsi à la base du sens donné à nos concepts. Selon lui, une observation attentive de notre langage permet de voir que les métaphores structurent nos concepts.»

 

  • Donner un aperçu du schéma utilisé en « parlant avec les mains ».

 

Dans certains cas, en se déplaçant dans l'espace, les mains mettent en évidence, pour les transmettre inconsciemment à l'auditoire, les schémas mentaux dans lesquels la pensée de l'orateur se déplace.

 

  • Montrer un schéma utilisable en fournissant à l'apprenant des supports qui le contiennent d'une manière plus ou moins explicite.

 

Pour cela, il faut utiliser des supports spécifiquement conçus dans cette optique. C'est là qu'est tout l'intérêt de cette théorie. Elle permet d'imaginer des supports réellement innovants. Je vous invite, si vous ne l'avez pas lue, à lire la page de ce blog évoquée en début de page, consacrée à la description des schémas mentaux et des outils que je crée pour les personnes avec autisme. Le point présent y est développé.

 

Ainsi, grâce à l'activation conjointe de ces mécanismes, nos schémas mentaux évoluent tout au long de notre vie, et ,petit à petit, se complexifient.

 

Voici une illustration d'évolution des schémas mentaux:

 

On observe fréquemment chez les jeunes enfants de tels dessins de maison avec cheminée penchée de cette manière :

 

Puis, l'enfant grandissant, la cheminée se positionne comme il se doit, verticalement :

 

 

Pour dessiner une maison avec cheminée penchée, l'enfant doit disposer d'un schéma « lignes horizontales / lignes verticales » (en rouge) et d'un schéma « lignes obliques » (en vert). Ces deux schémas sont utilisés de façon juxtaposée, le premier pour le dessin des murs de la maison, le second pour le dessin du toit. Dans ces deux schémas, les angles utilisables sont tous de 90°.

 

 

Pour que le cheminée devienne verticale, l'enfant doit disposer d'un schéma dans lequel les deux précédents schémas sont combinés afin de pouvoir réaliser un angle de 45° :

 

Ainsi, c'est l'acquisition de ce nouveau schéma par combinaison des deux premiers qui permet finalement à l'enfant de dessiner la cheminée verticalement sur le toit oblique.

Tant que le nouveau schéma n'a pas été élaboré, l'enfant utilise un schéma disponible qui, bien qu'inadapté, lui permet de dessiner quand même une maison.

 

Ceci illustre le fait qu'à un moment t de notre vie, nos conceptions sont contraintes par les schémas dont nous disposons, et qu'en l'absence de schémas plus pertinents, nous n'avons d'autre choix que de faire « rentrer » les différentes notions au contact desquelles nous sommes placés dans ceux-ci, même s'ils ne conviennent pas vraiment. C'est par exemple un phénomène qu'on observe fréquemment chez des élèves en difficulté face à des problèmes de maths dont on a augmenté la complexité. Ces élèves produisent parfois une opération qui semble choisie au hasard, comme s'ils n'avaient rien compris aux maths. C'est simplement qu'à cet instant t, parce qu'ils ne disposent pas d'un schéma mental pertinent, ils reprennent un schéma qui fonctionnait pour les problèmes antérieurs, plus simples, et y font « rentrer » le nouveau problème. Cela ne signifie pas qu'ils ne se rendent pas compte de l'inexactitude du résultat trouvé, ni qu'ils n'y comprennent rien, simplement qu'ils n'ont pas pu faire autrement à cet instant donné.

 

Les perspectives qu'apporte ce modèle de compréhension des apprentissages sont conséquentes. Qu'ils s'agisse de la difficulté scolaire chez les personnes neurotypiques, de l'acquisition des connaissances abstraites chez les personnes ayant des troubles cognitifs ou de façon plus ordinaire de la façon d'exprimer et de confronter les idées et les opinions de tous, c'est tout un univers à explorer.

La suite de cette page est consacrée à cette exploration. (la page va s'enrichir au fur et à mesure de mes réflexions). 

 

 

1 – Schémas mentaux et cartes mentales

 

Quel lien existe-t-il entre les schémas mentaux qui sont des structure purement mentales et les cartes mentales ou cartes conceptuelles qui sont des constructions matérielles visuelles?

C'est une question qui m'a longtemps laissée sans réponse, mais pour laquelle des éclaircissements m'ont été récemment apportés grâce à un travail sur " Les fourberies de Scapin ».

Il s'agissait de représenter, pour les mémoriser, les liens existant entre les personnages au début de la pièce :

Scapin : valet de Léandre

Sylvestre : valet d'Octave

Octave : fils d'Argante et amant de Hyacinte

Léandre : fils de Géronte et amant de Zerbinette

Argante : père d'Octave

Géronte : père de Léandre

Hyacinte : amante d'Octave

Zerbinette : amante de Léandre

Nérine : nourrice de Hyacinte

 

Il m'est apparu que pour que la représentation visuelle permette de « ranger » les personnages dans un schéma mental, elle devait être cohérente avec les schémas mentaux utilisés habituellement afin de permettre leur utilisation à ce contexte nouveau.

 

Me concernant, je dirais que :

Les univers maîtres/serviteurs doivent être séparés

Les générations doivent être placées l'une sous l'autre, les plus âgés en haut.

Les couples doivent être placés au même niveau.

Les serviteurs doivent être rattachés à leurs maîtres respectifs de façon latérale tout en étant dans un univers visiblement différent.

 

Je ferais donc quelque chose comme ça :

 

Toute représentation ne respectant pas ces règles m'obligerait à recomposer mentalement l'outil pour l'adapter à mes schémas mentaux préexistants.

 

Le fait de placer les générations les unes sous les autres, les personnes plus âgées en haut me semble être un schéma fondamental : la source de tout phénomène est placée en haut.

 

Par exemple, c'est également ce schéma mental qui nous fait placer préférentiellement, sur les schémas électriques au collège, le générateur en haut.

Quand les schémas électriques se complexifient, le générateur est alors placé à gauche. C'est la norme dans les milieux professionnels. Cette autre organisation, calquée sur le sens de lecture, fonctionne également très bien une fois l'habitude prise.

Mais il ne viendrait à l'idée de personne de placer le générateur à droite, parce que la lecture du schéma demanderait des opérations mentales supplémentaires pour replacer les éléments du schéma électrique dans une configuration compatible avec nos schémas mentaux préexistants.

 

Dans le domaine des mathématiques, on retrouve une problématique similaire avec les tableaux de proportionnalité, qui posent problème à de nombreux élèves. 

Il me semble que la principale difficulté de ces tableaux vient de leur présentation horizontale.

Nous avons besoin, pour raisonner sur ce type de problèmes, de poser les choses selon ce schéma:

En effet, si on observe les choses sous le prisme des schémas mentaux, on voit que, les éléments 3 et 12 étant relatifs à un même objet, ils doivent être situés sur une même ligne horizontale. De même pour 1 et 4 et pour 20 et 80.

Les tableaux de proportionnalité présentent les nombres d'une manière non naturelle (probablement pour un usage lié à la réalisation de courbes?), qui oblige le cerveau à effectuer des allers-retours inconfortables entre la présentation qui est offerte à la vue et celle qui permet le raisonnement.

2 - Schémas mentaux et attention:

Je vais ici évoquer notre système cérébral en charge de gérer les schémas mentaux en utilisant l'image d'une usine.

Imaginons donc que dans notre cerveau existe une "usine" dont la fonction serait de trouver, à chaque moment de notre vie, des schémas mentaux dans lesquels ranger les multiples stimuli sensoriels reçus de notre environnement.

Cette usine serait soumises à certaines contraintes:

  • À un instant t, l'usine ne peut consacrer son activité de création ou de modification de schémas que sur un chantier à la fois. (même si, pour une personne neurotypique, elle peut passer très rapidement d'un chantier à l'autre)

  • Plusieurs chantiers peuvent être en cours en parallèle. À un instant t, un seul est actif, les autres sont en attente.

  • Quand l'attention est focalisée, l'usine ne peut travailler que sur ce vers quoi l'attention est portée.

Lorsqu'on est engagé dans une activité cognitive en situation de réception, comme par exemple lorsque l'on écoute un exposé ou que l'on lit un texte informatif, les éléments sont rangés dans les schémas activés, lesquels sont, en fonction des données remplacés ou modifiés.

  • Quand on n'arrive pas à suivre, c'est qu'on n'arrive pas à remanier les schémas assez vite par rapport au flux d'informations entrantes.
  • Si le contenu du discours ne nous intéresse pas, c'est à dire s'il n'est pas apte à fournir de la matière pour faire avancer les chantiers prioritaires, le cerveau oriente l'attention sur d'autres entrées sensorielles externes ou « coupe » ces entrées de manière à permettre à l'usine de travailler sur du matériel gardé en mémoire mais non encore totalement exploité du fait du trop grand nombre de stimuli reçus à chaque instant. C'est également sur ce matériel stocké que l'usine travaille pendant la nuit, quand le cerveau est libéré des nombreux stimuli qu'il reçoit pendant l'éveil. C'est pour cette raison que la nuit porte conseil.

 

3 - Schémas mentaux et émotions

On pourrait imaginer que la capacité de l'usine à réussir à "caser" les stimuli reçus de notre environnement dans des schémas mentaux impacte directement notre état émotionnel. Nous savons que réussir à résoudre des problèmes difficiles est une grande source de plaisir, intense et durable. Nous savons aussi qu'échouer à résoudre les problèmes est source de stress. Dans notre quotidien, ces deux émotions se côtoient sans cesse, et nous tentons de les équilibrer en faveur d'un bilan favorable aux émotions positives. Pour ce faire, nous pouvons agir:

- En évitant les situations trop complexes afin de limiter les émotions négatives.

- En nous impliquant dans des tâches difficiles  mais accessibles pour booster les émotions positives.

- En favorisant d'autres sources de plaisir (alimentaires par exemple).

Si le fonctionnement de l'usine à schémas mentaux des personnes avec autisme est altéré et ne permet pas de "ranger" les stimuli issus de l'environnement, il en découle naturellement une forte anxiété.

Pour réduire cette anxiété, pour rééquilibrer la balance dans le sens positif, la personne peut chercher à réduire les émotions négatives en se repliant sur elle-même et en focalisant son attention sur des mouvements stéréotypés parfaitement calés dans des schémas mentaux fixes qu'elle maîtrise parfaitement. 

Pour autant, laisser la personne dans un environnement parfaitement prévisible serait la priver de la formidable source de plaisir que procure la réussite dans une tâche qu'elle jugerait difficile, ce qui l'enfermerait dans la recherche de plaisirs immédiats et peu durables, inaptes à équilibrer vraiment le bilan émotionnel, et par voie de conséquence, la maintiendrait dans un état d'anxiété.

 

Publié dans Fondements théoriques

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Fournir des schémas mentaux de façon explicite, un levier pour favoriser les apprentissages scolaires chez les personnes avec autisme

Publié le par Pedagogieautisme

Dans les situations de classe ordinaires, dans les phases de découverte d'une notion nouvelle, l'élève manipule du matériel, écoute des explications, observe ce qui est écrit au tableau, ce qui lui est montré, il reçoit de son environnement un certain nombre d 'éléments. À partir de tout ça, s'il est attentif et s'il est dans une démarche active d'apprentissage, son cerveau va organiser toutes ces données et élaborer un schéma mental plus ou moins complexe qui va lui permettre d'être efficace lorsqu'il va se retrouver ensuite dans des situations similaires. L'élève « a compris».

Ainsi, au fur et à mesure des apprentissages, les schémas se construisent, fruits de l'évolution, de la transformation, de schémas élaborés antérieurement. Ces schémas se construisent souvent par tâtonnements. Il est rare que nous trouvions directement un schéma pertinent lorsque nous découvrons une notion nouvelle. Le cerveau essaie d'abord avec ce qui est immédiatement disponible, puis, s'il s'avère que rien ne convient à priori, il tente des modifications, fait des essais, jusqu'à trouver quelque chose qui fonctionne. Les erreurs et la multiplication des exercices d'entraînement participent à ces tâtonnements.

L'autisme affecte la capacité à créer des schémas mentaux, à les faire évoluer, à les modifier pour en créer d'autres, mais n'affecte pas la capacité des personnes à utiliser des schémas si on les leur fournit, c'est à dire si on arrive à leur faire intégrer mentalement la façon dont les données s'organisent entre elles pour former un tout fonctionnel.

C'est là que réside toute la spécificité de l'enseignement pour des personnes avec autisme. Quand on n'arrive pas à développer les compétences d'un élève par les moyens classiques, Il faut concevoir la pédagogie d'une façon radicalement différente. Il faut apporter à l'élève, de manière explicite, un ou des schémas mentaux efficaces pour guider sa pensée.

Felipe Espinoza et Marie Faye, dans un rapport universitaire de juin 2006 « Les icones, schémas et similis Différences entre ces types de représentations », définissent les schémas mentaux ainsi :

« Les schémas sont des représentations mentales abstraites qui résument et organisent de façon structurée des événements, des objets, des situations ou des expériences semblables. Les schémas, stockés dans la mémoire à long terme, permettent d'analyser, de sélectionner, de structurer et d'interpréter des informations nouvelles. Ils servent donc en quelque sorte de modèle, de cadre (pour reprendre l'expression équivalente utilisée en intelligence artificielle) pour traiter l'information et diriger les comportements.

Les schémas peuvent être considérés comme des routines d'action rodées et habituelles qui sont exécutées automatiquement à partir d'indices internes ou environnementaux. »

 

Afin d'illustrer le propos, voici quelques exemples des schémas mentaux dans un contexte d'activité scolaire :

 

  • Le dénombrement des syllabes phonologiques contenues dans un mot :

Imaginons une situation courante en classe maternelle : compter le nombre de syllabes de son prénom. La maîtresse oralise le prénom d'un élève en découpant bien les syllabes, l'élève et la maîtresse tapent dans leurs mains en rythme. À la fin, l'élève doit dire combien de syllabes comporte son prénom.

Pour pouvoir réaliser cette tâche, l'élève, qui ne peut pas compter sur ses doigts puisqu'il tape dans ses mains, doit disposer d'un outil mental.

Arrêtez votre lecture et prenez le temps de tenter de visualiser les processus mentaux que vous sollicitez personnellement lorsque vous réalisez cette activité de dénombrement de syllabes . Vous comprendrez mieux de que je tente d'expliquer dans les lignes qui suivent.

Pour ma part, chaque syllabe fait apparaître ce qu'on pourrait appeler un point, les points étant organisés de gauche à droite, comme sur la droite numérique. Mais aucun nombre n'apparaît dans cette représentation mentale. C'est par visualisation globale des « points » que je « vois » le nombre de syllabes.

Si le mot comporte 3 syllabes :

Si le mot comporte 5 syllabes :

Et si je veux compter le nombre de syllabes du mot « anticonstitutionnellement », les points ne sont plus organisés de façon totalement linéaire. Au fur et à mesure que les syllabes sont égrenées, les lignes de 3 points se placent les unes sous les autres, ainsi :

 

Ces schémas mentaux sont ceux que j'utilise pour cette activité. Bien sûr, d'autres schémas possibles existent. Puisque ces outils mentaux ne sont pas issus d'un apprentissage explicite mais sont le fruit d'un travail inconscient du cerveau lors des premiers efforts de réalisation de l'activité, chacun peut élaborer sa propre stratégie de résolution, et donc avec elle ses propres schémas mentaux.

 

  • Les algorithmes :

Je dois compléter un algorithme comme celui-ci :

J'identifie le motif de base et je colorie les cercles de manière à ce que motif se répète de façon rigoureuse.

On peut représenter le schéma mental que j'utilise de cette manière :

 

  • Les problèmes de maths :

Voici un énoncé de problème de maths:

« Léon et Titus ont ramassé des pommes dans le jardin. Ils les ont mises dans un panier.

Léon a mis 5 pommes dans le panier.

Titus a rajouté 2 pommes.

Combien y a-t-il de pommes dans le panier ? »

Lorsque je lis ce problème de maths, j'identifie la fonction de chacune des phrases. Les deux premières phrases indiquent le cadre dans lequel on se trouve de manière à me permettre de visualiser mentalement la situation.

Ensuite, chaque phrase indique, en français, une ou des données que je vais devoir convertir en données mathématiques.

Dans le cas envisagé ici, la première phrase correspond au premier terme de l'opération ; la deuxième phrase indique l'opérateur et le second terme de l'opération ; et la dernière phrase revient à demander d'effectuer le calcul.

On peut représenter ainsi un schéma mental possible :

 

Maintenant, je dois résoudre le problème suivant :

« Léon, Titus et la maman de Léon ont ramassé des pommes dans le jardin. Ils les ont mises dans un panier.

Léon a mis 5 pommes dans un panier.

Titus a rajouté 2 pommes.

La maman de Léon a rajouté 4 pommes.

Combien y a-t-il de pommes dans le panier ? »

Le schéma que j'utilisais ne convient pas dans ce cas, ça ne « rentre » pas dans la matrice. Je dois faire évoluer mon schéma mental :

est transformé en:

On me pose maintenant le problème suivant :

« Léon et Titus ont ramassé des pommes dans le jardin. Ils les ont mises dans un panier.À la fin, il y a 7 pommes dans le panier.

Léon a ramassé 5 pommes.

Combien Titus a-t-il ramassé de pommes? »

Si c'est la première fois que je suis face à un problème de ce type, je vais commencer par solliciter le schéma mental que j'utilise habituellement, mais je vais rapidement voir qu'il ne convient pas du fait que les données ne sont pas fournies dans l'ordre de l'opération. Je vais alors le faire évoluer en le rendant dynamique :

 

  • Le graphisme :

Dans notre culture, la plupart des formes élaborées pour la symbolisation sont des combinaisons de formes élémentaires : le cercle, le trait vertical, le trait horizontal et le trait oblique. Pour pouvoir tracer une forme complexe je dois organiser cette combinaison de traits de façon structurée. Par chance, notre système d'écriture est fait de telle manière que beaucoup des symboles utilisés (mais pas tous), peuvent être tracés sur une trame dont voici ce qui me semble être un élément de base possible:

Par exemple :

Certains symboles peuvent être tracés sur une trame réalisée avec un élément de base simplifié :

 

Rq : Il manque notamment à ces trame des obliques inclinées selon différents degrés. Les faire figurer rendrait l'ensemble trop lourd. On peut imaginer d'autres trames qui permettraient, isolément, de travailler ces différentes inclinaisons.

Les schémas mentaux que nous mettons en œuvre pour agir au quotidien sont souvent extrêmement complexes et agissent en réseaux difficiles à appréhender. De plus, ils changent en permanence, notre cerveau tentant de les faire évoluer à chaque nouvelle expérience qui ne « rentre » pas dans les schémas déjà existants.

Ils interviennent dans toute pensée et donc, a fortiori, dans tout apprentissage.

 

Dans l'autisme, la capacité à créer et faire évoluer les schémas mentaux est altérée, de façon plus ou moins importante selon la sévérité du trouble, et de façon plus ou moins spécifique en fonction des domaines cognitifs touchés.

Dans un résumé de l'article « Autisme et connectivité cérébrale : contribution des études de neuro-imagerie à la compréhension des signes cliniques » paru dans la Revue de neuropsychologie, Volume 6, numéro 1, Janvier-Février-Mars 2014, il est écrit :

« Les données neuropsychologiques recueillies dans les troubles du spectre de l’autisme (TSA) mettent en évidence, de façon générale, une dissociation entre des compétences dites de bas niveau préservées, et des déficits de traitement de haut niveau dans des domaines cognitifs variés. Ce pattern suggère l’existence d’un défaut d’intégration de l’information entre les aires cérébrales postérieures, qui permettent un traitement sensoriel élémentaire, et les aires cérébrales antérieures et notamment frontales, qui permettent un traitement complexe. »

Si le défaut d'intégration de l'information dont il est question dans l'article ci-dessus affecte l'élaboration des schémas mentaux, alors, en fournissant à l'élève des schémas déjà construits, et à condition qu'il puisse les assimiler mentalement à force d'utilisation, on peut imaginer que l'élève puisse devenir capable de réaliser les tâches qui sont ciblées de façon parfaitement autonome.

Les observation que j'ai pu faire dans le cadre de ma pratique tendent à me faire penser que c'est souvent le cas. Voici quelques exemples:

 

  • Le dénombrement des syllabes avec un élève de grande section de maternelle :

Nous nous retrouvons dans le contexte décrit plus haut. Lors d'activités de groupe, la maîtresse de grande section de maternelle oralise tour à tour le prénom de chaque élève en découpant bien les syllabes. Les élèves de la classe et la maîtresse tapent dans leurs mains en rythme. À la fin de l'oralisation de son prénom, chaque élève doit dire combien de syllabes comporte le mot.

Lors de ces séances collectives, l'élève que j'accompagnais était en grande difficulté. Il ne semblait pas comprendre ce qu'on attendait de lui. Il ne synchronisait pas ses battements de mains avec la prononciation découpée des syllabes. (Je précise que l'élève était non verbal).

Après un certain nombre de séances collectives de ce type, nous sommes passés à une séance d'activité individuelle. Chaque élève disposant des photos de ses camarades de classe, il fallait coller chaque photo au bon endroit dans un tableau à quatre colonnes, en fonction du nombre de syllabes du prénom (le prénom le plus long contenant 4 syllabes).

Pour l'élève que j'accompagnais, nous avons mis en place le dispositif d'aide suivant : Des cerceaux placés au sol, dans le hall de l'école, de cette manière :

Ce dispositif permettait à l'élève de se déplacer dans les files de cerceaux au rythme des syllabes oralisées.

Parallèlement à ce dispositif, on avait installé sur la table de travail de l'élève, dans la classe, quatre feuilles sur lesquelles étaient représentées les quatre files de cerceau :

Nous avons procédé ainsi : L'élève prenait la photo d'un camarade, se rendait dans le hall et choisissait une colonne (au hasard pour commencer). Avec mon aide, il se déplaçait dans la file de cerceau pendant que j'oralisais le prénom en question. Si le nombre de cerceaux ne correspondait pas au nombre de syllabes du prénom, le guidais pour qu'il puisse finalement trouver la file qui convenait. Une fois cette file identifiée, nous retournions en classe pour coller la photo sur la feuille qui correspondait.

Nous avions effectué cette procédure pour 15 prénoms, et l'élève ne semblait pas vraiment progresser. Mais lorsque ce fut le tour de la seizième et dernière photo, l'élève l'a prise en main, a observé le visage qui y figurait et a hoché 3 fois la tête.(Le prénom du copain en question compotait 3 syllabes). Il a ensuite couru pour se rendre dans le hall et s'est dirigé vers la colonne à 3 cerceaux, avec une joie manifeste et une absence totale d'hésitation. Il était devenu capable d'effectuer mentalement le comptage des syllabes.

 

  • Les algorithmes, avec ce même élève de grande section de maternelle :

Afin d'aider l'élève à colorier la fiche décrite un peu plus haut selon l’algorithme indiqué, j'ai fourni le matériel suivant : des disques de carton coloriés et reliés entre eux par un fil.

Pour commencer, j'ai positionné le matériel juste au-dessus des trois premiers cercles à colorier. L'élève a alors colorié comme le modèle.

Une fois ce coloriage terminé, j'ai déplacé le matériel au-dessus des cercles suivants. L'élève a colorié comme le modèle, et je voyais ses yeux se déplacer, faire des allers-retours sur les différents éléments de la fiche. Une fois cette deuxième série de cercles coloriée, j'ai déplacé à nouveau le matériel. L'élève l'a retiré aussitôt de la feuille et l'a tendu vers moi avec vigueur. S'il avait pu parler, je pense qu'il m'aurait dit  « reprends ça, je n'en ai plus besoin! ». Il a ensuite continué son activité de façon parfaitement autonome, et avec, ici aussi, un plaisir évident.

 

  • Des problèmes de maths avec un collégien :

L'élève que j'accompagnais n'arrivait à résoudre aucun des problèmes des maths que je lui proposais, même avec de la manipulation. Il fallait tout guider, autant dire qu'il fallait faire à sa place. J'ai donc cherché comment expliciter les schémas mentaux que j'utilise pour résoudre ce type de problèmes. J'ai donc créé des fiches sur lesquelles les énoncés étaient posés dans un tableau tel que celui décrit un peu plus haut. Après une première étape de manipulation associée à l'utilisation du tableau pour que celui-ci prenne du sens, l'élève a été capable de résoudre seul les problèmes additifs que je lui soumettais sur ces fiches adaptées. Au fur et à mesure qu'il progressait en calcul mental, il a pu également résoudre seul des problèmes soustractifs présentés de cette manière. Il était capable d'identifier l'opérateur à utiliser sans aide. Quand j'ai vu qu'il était bien à l'aise, je lui ai proposé des problèmes standard similaires (c'est à dire qui seraient correctement rentrés dans le tableau si j'avais voulu les y mettre), additifs ou soustractifs, rédigés de façon ordinaire (des problèmes d'Alex et Lisa). Il a réussi à les résoudre seul, sans aucune difficulté.

 

  • Le graphisme avec ce même collégien :

Afin d'outiller l'élève pour le tracé des lettres cursives, je lui proposais régulièrement des activités de copie de coloriage, sur la trame de graphisme présentée plus haut.

Il fallait reproduire des modèles, comme par exemple celui-ci :

Cela faisait un moment qu'il faisait régulièrement ce type de réalisations pendant ses temps en autonomie. Un jour, je lui ai demandé de « faire une étoile », avec sous les yeux un modèle que j'avais tracé. Sa production ressemblait à quelque chose comme ça :

Voyant ses difficultés, j'ai sorti une feuille sur laquelle figurait la trame décrite plus haut, qu'il connaissait bien, et j'y ai tracé une étoile :

J'ai demandé à l'élève de faire pareil sur une trame vierge,

ce qu'il a fait sans difficulté. Immédiatement après, j'ai tracé un simple carré

sur une feuille blanche et je lui ai demandé de faire une étoile dans ce carré.

L'élève a tracé l'étoile sans problème.

J'ai alors demandé de tracer une étoile sans aucun repère sur la feuille, et ce fut merveilleux,

l'élève a tracé une magnifique étoile. Puis une deuxième, et une autres, … Il ne se lassait pas de tracer et tracer encore des étoiles.

Pour la petite histoire, cet élève avait 15 ans et d'importantes difficultés de langage (quand il communiquait oralement, c'était avec des phrases apprises par cœur, par des groupes nominaux ou par des mots isolés). J'ai pensé à toutes ces années d'école au cours desquelles on lui a demandé de décorer des cartes de noël avec des étoiles, et de tous ces échecs qu'il avait dû vivre, toutes ces blessures parce qu'on n'avait pas su lui donner la totalité des outils dont il avait besoin. Et pendant que je pensais à cela, il a dit, « le père noël ». Ce fut un moment émouvant.

Plus émouvants encore furent les jours où, après avoir travaillé la grammaire, après avoir vu le sujet, les pronoms « je » et « tu », le verbe aux temps usuels de l'indicatif, le COD et le CCL, il a pu construire et dire ces deux phrases : « Tu mets sur ma chaise » en me tendant sa veste après que je lui ai proposé de la ramener dans la classe, et « il dormera ce soir » après que j'ai dit à un camarade qui venait de bailler qu'il était fatigué. (Le « e » de dormera n'est pas une coquille).

Les exemples de schémas mentaux donnés dans ce document ont été choisis pour leur simplicité et leur clarté afin de faciliter la compréhension du concept. Évidemment, les choses sont souvent bien plus complexes.

Les deux principales difficultés résident donc dans l'identification des schémas possibles d'une part, et dans la concrétisation de leur explicitation d'autre part.

Je vous invite à parcourir ce blog pour découvrir des exemples de réalisations. (www.pedagogieautisme.fr)

Au-delà des problématiques autistiques, d'autres troubles peuvent générer des difficultés à créer des schémas mentaux. Par exemple, ce peut être le cas dans les troubles de l'attention, si le processus d'élaboration des schémas est sans cesse interrompu, ou dans les troubles dys, si toute la charge mentale est investie pour gérer d'autres aspects de l'activité, ou en cas de déficience intellectuelle. De façon plus ordinaire et sans que l'élève soit porteur de handicap, ça peut être le cas quand un élève, trop souvent en échec, développe un sentiment d'impuissance apprise qui entrave son engagement cognitif dans les activités.

Ainsi, dans de nombreux cas, de façon provisoire ou non, l'explicitation des schémas mentaux peut être profitable, soit comme pratique pédagogie de première intention dans le cas de l'autisme, soit dans une démarche de différenciation pédagogique pour des élèves en difficulté de divers profils.

 

 

 

Pour ceux qui le souhaitent, vous pouvez télécharger le contenu de cette page en PDF:

Pour plus de précisions concernant le lien entre schémas mentaux et apprentissages abstraits, je vous invite à consulter la page dédiée à ce sujet ici

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La conception des adaptations, considérations d'ordre général.

Publié le par Pedagogieautisme

On trouve un peu partout de nombreux conseils sur ce qu'il convient de faire pour adapter les activités pour les élèves avec autisme: découper la tâche en tâches élémentaires, pas de double tâche, pas de formulation négative, proposer des questionnaires à choix multiple plutôt que de demander à l'élève d'aller chercher des items dans sa bibliothèque mentale, ... Ces recommandations, bien qu'essentielles, peuvent ne pas être suffisantes et il me semble important de mettre en relief certains points fondamentaux qui ne sont pas forcément intuitifs dans le cadre scolaire:

 

L'élève doit être le plus souvent placé en situation de réussite.

Un élève avec autisme n'apprend pas de ses erreurs. Elles perturbent les apprentissages et sont source d'angoisse. Il est important de faire en sorte que l'élève soit toujours en réussite.

 

Idéalement, l'adulte doit pouvoir guider l'élève avec très peu de langage oral.

 

Tous les éléments utiles à l'élève pour la réalisation de la tâche doivent lui être fournis visuellement. Très souvent, lorsque l'élève ne sait pas faire seul, l'adulte guide en parlant, et finalement, fait à la place de l'élève, parfois sans même s'en rendre compte. On voit alors l'élève devenir passif et attendre la guidance de l'adulte en se désengageant sur le plan cognitif. Son attention n'est plus dirigée vers l'activité mais vers la perception des indications de l'adulte. Il faut fournir à l'élève tous les outils qui lui permettront de réaliser la tâche avec le moins d'intervention possible de l'adulte de manière à ce qu'il puisse véritablement s'engager dans l'activité.

 

L'activité proposée à l'élève doit contenir visuellement un ou des schémas mentaux.

Voir la page "Fournir des schémas mentaux de façon explicite, un levier pour favoriser les apprentissages scolaires chez les personnes avec autisme", qui est dédiée à cette notion.

Le véritable objectif de l’activité est alors l'intégration par l'élève de ces schémas mentaux pour qu'il puisse se les approprier, pour pouvoir finalement réaliser les tâches associées en parfaite autonomie.

 

Il importe de faire la chasse à l'implicite. 

La question des consignes est particulièrement sensible. Un élève ayant des doutes concernant le travail attendu risque fort de ne rien oser faire. Il faut en permanence chercher à dénicher les implicites et à lever les incertitudes. Lorsque l'élève connaît bien la forme de l'activité demandée il n'y a généralement plus de problème. Mais quand l'activité est nouvelle, ou qu'elle présente des éléments nouveaux, il faut être particulièrement vigilant. 

Voici un exemple avec une situation fictive imaginée pour illustrer mon propos:

Voici une activité de dénombrement que je fais habituellement avec un élève :

L'élève doit coller l'étiquette qui convient.

 

L'élève est à l'aise, il connaît bien ce type de fiches. Je voudrais maintenant généraliser ses compétences de dénombrement non plus sur des points noirs mais sur des éléments quelconques. Je propose cette fiche: 

 

Le contexte est le même, seuls les éléments à dénombrer ont changé. Pour certains, cette constance de la présentation peut suffire à faire comprendre qu'on demande de compter les chats. Pour d'autres, l'incertitude dans la compréhension de ce qu'on attend peut empêcher l'élève d'agir. On peut alors proposer cette étape intermédiaire:

Ici, le lien entre les deux activités est explicite. L'élève sait avec certitude ce qu'on attend de lui.  La fois suivante, quand on présentera la même fiche sans les points noirs, on peut supposer qu'il n'y aura plus de doute concernant la consigne.

 

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La gestion du comportement

Publié le par Pedagogieautisme

Les techniques comportementalistes sont des outils finement élaborés, qui demandent pour leur maîtrise de nombreuses années de formation et d'expérience. Il n'est pas question ici d'en faire un exposé. Si vous ne connaissez pas ces techniques et que vous souhaitez vous y former, je ne peux que vous conseiller de lire le site d'Olivier Bourgueil qui est une mine d'informations sur l'ABA, de lire le livre "Stratégies éducatives de l'autisme", d'Eric Schopler, fondateur du programme TEACCH, et de lire également le livre "Communiquer autrement : Accompagner les personnes avec des troubles de la parole ou du langage", d'Elisabeth Cataix-Negre ergothérapeute. 

Le problème à l'école, en plus de contraintes lourdes liées à l'environnement ordinaire, c'est que justement, nous, personnels scolaires, ne sommes pas des experts, et ne pouvons pas appliquer vraiment ces techniques. Pourtant, notre mission étant d'accueillir les élèves dans de bonnes conditions, il nous faut trouver des façons d'agir adaptées à leurs besoins.

Je présente dans ces lignes des points de repère qui me semblent importants à avoir en tête.

Quelques explications théoriques:

2.1  -  Récompenses et punitions:

La méthode ABA est basée sur le principe du conditionnement opérant de Skinner. Si un comportement donné induit un stimulus plaisant, une récompense, je vais renouveler ce comportement pour les avantages que ça me procure. Si au contraire, la réponse induite par mon comportement est désagréable ou neutre, je vais, à terme, cesser de produire ce comportement.  

Le principe est simple, mais sa mise en application dans les situations de la vie réelle est complexe, et il est important de bien saisir cette complexité. Les lignes qui suivent ont pour objectif de le montrer:

 

Les forces de type "récompense" et "punition" qui s'exercent sur une personne à un moment donné pour un comportement donné constituent des systèmes complexes, à l'image des systèmes de forces physiques qui peuvent s'exercer sur un objet:

Dans cet exemple, concernant le comportement de la balle (couler ou flotter), le système est simple, il ne contient que 2 composantes. Si on mettait un nageur en mouvement à la place de la balle, le fait de couler ou flotter dépendrait d'un système de forces bien plus complexe.

 

De la même manière, concernant le système récompenses/punitions  qui s'exerce sur une personne donnée à un moment donné pour un comportement donné, on peut identifier plusieurs forces. Les forces de type "récompense" vont être favorables à l'apparition du comportement, les forces de type "punition" vont y être défavorables. Le bilan de ces forces déterminera en partie le fait que la personne produira ou non le comportement. 

 

Je vais tenter d'illustrer mon propos à partir d'un exemple fictif:

Situation: Je suis en classe Ulis avec un élève. J'ai prévu de le faire travailler pendant 30 minutes sur une activité pour préparer l'inclusion en arts plastiques qui va suivre. Les autres élèves de la classe sont regroupés autour de l'enseignant pour un cours d'histoire. 

 

Comportement demandé à l'élève: Rester assis à son bureau et travailler en silence.

 

D'abord, quelques définitions:

- Une récompense peut être positive ou négative:

Si on me procure un stimulus plaisant, je reçois une récompense positive. par exemple, on me donne un bonbon. Ici le terme "positif" ne porte pas le sens "agréable", mais le sens mathématique "on ajoute quelque chose".

Si on m'enlève un stimulus déplaisant, je reçois une récompense négative. Par exemple, pour un bébé qui a souillé sa couche, on change la couche. Ici le terme "négatif" ne porte pas le sens "désagréable", mais le sens mathématique "on enlève un stimulus". En enlevant la couche sale, on supprime l'inconfort qui y était associé.

 

- De la même manière, une punition peut être positive ou négative:

Si on ajoute un élément déplaisant c'est une punition positive, comme par exemple si on me crie dessus.

Si on enlève un élément plaisant, c'est une punition négative, comme par exemple quand on me punit de récréation

 

Éléments générant de la récompense ou de la punition:

La qualité de la relation accompagnant/élève: Selon que cette relation est bonne ou mauvaise, passer une demie heure en tête à tête avec son accompagnant peut constituer une récompense positive ou une punition positive. Si l'accompagnant est encourageant, valorise les réussites et aide de façon pertinente pour éviter que l'élève ne soit en difficulté, s'il existe une relation de confiance réelle, sa présence auprès de l'élève sera perçue comme une récompense. Si au contraire l'accompagnant s'agace, s'impatiente ou laisse l'élève seul face à la difficulté, sa présence sera perçue comme une punition.

 

La qualité de la relation enseignant/élève: Elle a elle-même deux dimensions possibles:

Concernant le moment présent: Si l'élève préfère travailler avec l'enseignant plutôt qu'avec son accompagnant, on est en situation de punition négative. Si en revanche il le craint, c'est une récompense négative.

Concernant l'anticipation du moment où l'enseignant posera son regard sur le travail effectué: si l'élève pense qu'il sera valorisé, félicité, il se projette dans une situation de récompense positive. Si le regard est critique, stigmatisant, c'est une punition positive. L'enseignant représentant l'autorité, son avis pèse généralement assez lourd aux yeux des élèves et des familles. 

 

La relation élève/pairs: Si l'élève recherche la compagnie de ses camarades de classe, être en activité individuelle peut être une punition négative puisqu'on lui enlève la présence des copains. Si au contraire il fuit certains élèves, l'isoler du groupe pourra être une récompense négative.

 

La relation avec les parents et les proches: Au moment où la famille regarde le travail réalisé par l'élève, si cela induit des félicitations, des regards fiers, la perspective des échanges qui résulteront du travail est une perspective de récompense positive. Si au contraire le travail déclenche chez les proches de la tristesse, on se retrouve dans une perspective de punition positive.

 

Le sentiment d'appartenance: Le fait d'être inclus dans un groupe dans lequel on se sent appartenir ou dans lequel on a envie d'appartenir peut être une récompense positive forte pour les élèves qui y sont sensibles, et le fait d'en être exclus une punition négative également forte. (indépendamment de la qualité des relations interindividuelles). À l'inverse, si on ne veut pas être assimilé à un groupe donné, on peut considérer qu'y être inclus est une punition, et en être exclus une récompense.

 

La tâche à accomplir: Si réaliser la tâche en soi est attractif, travailler constitue une récompense positive. Si au contraire la réalisation est trop difficile ou ennuyeuse, c'est une punition positive. Par exemple, un élève ayant des troubles de la motricité fine peut trouver les tâches de découpage pénibles. Un travail comportant beaucoup de découpages constituera alors une punition positive. 

 

La perspective de la réussite ou de l'échec dans la réalisation de la tâche: C'est une dimension à mon avis très importante. Réussir est une récompense forte, échouer une punition également forte. Cet aspect demande un petit développement:

En premier lieu, réussir, ce n'est pas juste arriver à rendre le travail avec les bonnes réponses. C'est faire soi-même, en comprenant ce qu'on fait. Souvent, quand on donne une fiche à un élève pour lui enseigner une notion nouvelle, on explique oralement ce qu'il faut faire, et ce faisant, on donne les réponses, ou on guide l'élève pour qu'il donne les réponses qu'on attend. Cette façon de procéder ne permet généralement pas à l'élève avec autisme de comprendre. Le pire est quand on guide oralement l'élève par une avalanche de questions dont on induit la réponse. C'est très frustrant, et c'est d'autant plus frustrant que le petit "jeu" de questions/réponses que l'on inflige à l'élève dure longtemps. L'élève n'est alors clairement pas en situation de réussite, et il le ressent très bien. (Pour que l'élève soit en réussite dans des activités de découverte ou d'entraînement, il est indispensable que l'activité soit elle-même porteuse des éléments de compréhension du processus qui mène au résultat, de sorte que l'adulte pourrait idéalement se passer de parler.  (voir page sur La conception du travail et des aides.)

 

Les expériences vécues par le passé conditionnent l'estimation que l'élève fait de sa capacité ou non à être en réussite. Si les échecs antérieurs ont été nombreux, il faudra du temps pour casser le conditionnement en place et donner confiance. 

 

La pertinence des apports de l'activités par rapport aux besoins de l'élève: Un élève en souffrance dans sa capacité à communiquer considérera comme une récompense positive les activités efficaces pour développer cette capacité . Une activité non pertinente par rapport à ses problématiques sera plutôt neutre.

 

Les activités que font les copains: si elles sont plus attractives que l'activité que fait l'élève, on est devant un situation de punition négative. Si au contraire elle est déplaisante pour l'élève, on est en récompense négative.

 

Le cours d'arts plastiques en perspective: Si l'élève est motivé par le cours d'arts plastiques, c'est à dire si le bilan des forces en jeu dans ce cours va dans le sens de la récompense, on a une force de récompense positive pour les activités en rapport. Dans le cas contraire, c'est une force de punition positive.

 

L'environnement sensoriel: L'environnement sensoriel dans lequel on place l'élève peut être neutre, plaisant, ou déplaisant. Le bruit trop fort, la lumière éblouissante, la chaleur ou le froid excessifs constituent des punitions positives. Isoler un élève qui redoute le bruit et l'agitation peut constituer une récompense négative. 

 

On pourrait schématiser de la manière suivante, pour un élève donné:

La gestion du comportement

Pour cet élève, le contact avec les autres étant très important, être séparé d'eux est fortement punitif (C). Par ailleurs, le cours collectif qui se déroule dans la classe génère du bruit, et les rideaux tirés pour le rétro-projecteur nous placent dans une semi obscurité inconfortable (K). De plus, l'activité prévue constitue à découper des morceaux de papier et à les coller à la façon d'une mosaïque. Or, cet élève ayant des troubles de la motricité fine, ces manipulations sont coûteuses pour lui (F). Si le travail lui semblait utile pour son quotidien, ça aurait pu nous aider, mais ce n'est pas le cas (H). Heureusement, il sait qu'il sera en réussite (G), il a confiance en moi pour le guider sans faire à sa place (A), et il sait qu'il sera récompensé de ses efforts, par l'attention bienveillante que porteront sur son travail l'enseignant et ses parents. Il sera fier de lui (B et D). En plus les autres élèves ont un cours sur la première guerre mondiale, il n'aime pas trop ça, ça l'arrange un peu d'éviter ce cours (I). Et le cours d'art plastiques c'est important pour lui, il aime aller en inclusion, être avec les autres élèves du collège (J et E). Ouf! Bilan positif: 13 d'un côté et 12 de l'autre. On devrait pouvoir travailler. (Enfin normalement, parce que si j'ai bêtement oublié de lui dire d'aller aux toilettes, ou si il est fatigué, ..., c'est compromis). Comme c'est quand même limite, je vais l'encourager plus souvent que d'habitude, je vais être particulièrement attentive à ses besoins et à la fin de la séquence, on va montrer le travail aux copains. Comme ça, ça devrait aller...Peut-être...

 

Ainsi, si le bilan des forces en jeu penche du côté de la récompense, l'élève sera peut-être coopérant. Si au contraire le bilan penche du côté de la punition, on peut parier que l'élève ne travaillera pas. Et si la situation se répète trop souvent, on peut imaginer qu'il développera des comportements de type repli sur soi, augmentation des stéréotypies, agressivité,...

 

Il est essentiel de bien connaître l'élève pour identifier ce qui constitue pour lui une récompense ou une punition. Parfois on pense punir et en fait on récompense sans le vouloir, et l'inverse est vrai aussi. Par exemple, on peut croire punir quelqu'un en lui demandant, suite à un comportement problème,  de rester assis sans rien faire pendant un certain temps, mais qu'en fait, sans s'en rendre compte on le récompense, parce que justement il est content qu'on le laisse tranquille. À l'inverse, on peut penser récompenser un élève en lui permettant de jouer quelques minutes dans le coin jeu, mais qu'en fait on le punisse parce qu'il aurait préféré rester assis à côté du copain.

 

Remarques:

 

- Les perspectives futures de récompense ou de punition ont un impact, mais pas de la même manière pour tous. En particulier, l'impact de l'anticipation est plus ou moins fort selon la capacité de l'élève à se projeter dans l'avenir, et dans un avenir plus ou moins lointain.

 

- Il est important de tenir compte de la façon dont différents éléments du système peuvent former des associations, particulièrement au sujet de la relation entre l'élève et les adultes qui sont à ses côtés. Si l'adulte, lors de ses premiers contacts avec l'élève, propose des activités pénibles, sa présence sera associé à des émotions déplaisantes et la qualité de la relation s'en ressentira. Si au contraire, il veille à associer sa présence à des activités plaisantes, il développera une relation favorable avec l'élève. De ce fait, il faut  limiter très fortement au départ les exigences scolaires pour se focaliser sur la qualité de la relation qui se construit (c'est l'étape du "pairing" en ABA). Par la suite, ce lien doit évidemment être entretenu en maintenant un taux modéré d'activités demandant un effort. (maximum 20%)

Si l'élève a eu un parcours passé difficile avec l'école il faut beaucoup de temps, d'énergie et de patience pour, petit à petit, restaurer la confiance. 

 

 

2.2 - Renforçateurs:

 

On appelle renforçateur tout stimulus qui augmente le fréquence d'apparition d'un comportement. Les récompenses, qu'elles soient positives ou négatives, sont des renforçateurs. Les renforçateurs naturels sont les renforçateurs portés naturellement par la situation et les personnes. Les éléments décrits ci-dessus, lorsqu'ils constituent des récompenses, sont des renforçateurs naturels. Si agir sur ces éléments ne suffit pas pour faire pencher le bilan récompense/punition dans le bon sens, on peut avoir recours à des renforçateurs artificiels, (tels que des récompenses alimentaires par exemple). 

 

On utilise souvent des dispositifs d'économie de jetons pour l'obtention des renforçateurs artificiels. Vous pouvez en lire une description dans ce document d'Olivier Bourgueil: "Méthodologie et évaluation - cours 2"  (Trois premières pages)

 

Il me semble important de souligner les points suivants:

 

2.2.1  -  Les renforçateurs artificiels ne fonctionneront pas si la situation génère des stimuli punitifs naturels trop puissants. Dans les structures spécialisées en ABA, les éducateurs proposent des activités bien maîtrisées pour que les personnes avec autisme ne soient pas trop souvent ni trop fortement en difficultés. L'effort demandé est soigneusement dosé. À l'école, si on tente d'utiliser ces techniques de renforcement par récompense artificielle alors que le travail n'est pas correctement adapté, il est probable que ça ne fonctionnera pas.

 

Imaginons un enfant qui aurait les moyens physiques de marcher, mais qui n'aurait jamais essayé pour quelque raison que ce soit. On décide de mettre en place un protocole pour l'aider à réaliser les gestes moteurs nécessaires. On le guide et on récompense chaque effort par un bonbon. Ça fonctionne bien, petit à petit l'enfant intègre les mouvements et se met finalement à marcher de façon autonome. Si on imagine maintenant le même scénario, mais cette fois, l'enfant est pieds-nus et le sol est recouvert de Légos. Le résultat ne sera évidemment pas le même. On peut supposer que l'enfant va rapidement arrêter de coopérer malgré son envie d'avoir des bonbons... 

 

Ainsi, si on promet une récompense artificielle à un élève pour un comportement donné, mais que ce comportement génère une force de punition trop forte, non seulement ça ne fonctionnera pas, mais en plus on risque de développer des comportements problèmes.

 

2.2.2  -  Quand on met en place un protocole de renforcement, il faut avoir en tête qu'à terme, on doit pouvoir s'en passer, c'est à dire que le renforcement artificiel doit pouvoir s'effacer, quand le bilan du système récompense/punition sera devenu positif du côté de la récompense. Dans le cas d'une activité nouvelle par exemple, il se peut qu'on ait à renforcer artificiellement au départ à cause de la peur de la nouveauté ou des résistances au changement, mais qu'une fois l'activité devenue familière, le renforcement artificiel puisse être enlevé parce que devenu inutile.

Si on reprend l'exemple de l'enfant à qui on apprendrait à marcher, une fois l'apprentissage abouti, les possibilités offertes par les nouvelles compétences acquises seraient suffisantes pour renforcer efficacement ce comportement.

 

2.2.3  -  Une difficulté dans l'utilisations des renforçateurs artificiels est de concilier ces deux points:

- La nécessité d'être cohérent entre ce qu'on dit et ce qu'on fait: on ne donne pas le renforçateur si la condition de son obtention n'est pas réalisée. Les tolérances du genre "allez, pour cette fois ça passe..." sont à éviter absolument. Il est nécessaire d'être constant et prévisible pour que le protocole fonctionne. Il faut que les conditions de l'obtention du renforçateur soient parfaitement définies et qu'on s'y tienne. 

- La nécessité d'une guidance par la réussite. L'élève ne sera guidé dans ses choix de manière à ce qu'il adopte préférentiellement des comportements adaptés que s'il obtient les renforçateurs qui lui balisent la route. (Cet aspect est développé plus loin, dans la partie qui concerne les comportements problèmes.)

Il faut donc faire en sorte que l'élève puisse le plus souvent obtenir les renforçateurs, tout en maintenant fermement les conditions de son obtention, ce qui demande un protocole de renforcement soigneusement élaboré.

 

Un exemple avec l'accompagnement d'un élève lors de son premier cours d'arts plastiques. C'était alors sa première inclusion dans une salle de classe ordinaire au collège. Cet élève avait des stéréotypies vocales, et ce, d'autant plus qu'il était stressé. Il disait des phrases (souvent des phrases publicitaires) à voix haute, et riait. Le cours étant une nouveauté pour lui et étant un cours non adapté, j'ai supposé que ça allait être difficile pour lui de garder le silence. La priorité pour la réussite de cette inclusion étant que l'élève soit capable de ne pas déranger le cours, j'ai décidé de mettre en place cette guidance:

Je pointais le pictogramme du doigt quand je voulais rappeler à l'élève le comportement que j'attendais de lui. Les cercles situés en dessous étaient remplis au fur et à mesure du déroulement de l'heure de cours de cette façon:

Toutes les 3 minutes, si l'élève était resté silencieux, je pointais du doigt le pictogramme "je suis silencieux, je faisais le signe "super!" avec mon pouce et je dessinais les yeux et la bouche du smiley correspondant. Ensuite, l'élève coloriait le smiley. S'il se mettait à parler exceptionnellement entre deux échéances horaires, je pointais le pictogramme et, entre les deux smileys concernés, je dessinais un petit smiley pas content au crayon à papier pour informer l'élève que son comportement ne convenait pas. Si le comportement était isolé, si ça ne se répétait pas dans ce laps de temps de 3 minutes, l'élève avait quand même son smiley content à l'échéance horaire suivante, et je gommais le smiley pas content. Si ça se répétait, il obtenait un smiley pas content à l'échéance horaire. 

Dans ce protocole, le renforçateur était le smiley en lui-même. D'une part parce que l'élève, ayant 13 ans, avait depuis longtemps assimilé l'association smiley/récompense; et d'autre part parce que le coloriage du smiley était une récompense en soi pour ce jeune qui aimait avoir toujours quelque chose à faire. Afin d'augmenter la force de la récompense, je félicitais l'élève +++ à la fin du cours pour son comportement et je transmettais l'information de sa réussite à ses parents.

Pour que ça fonctionne, il fallait que l'élève réussisse à obtenir une grande majorité de smileys contents, et ce fut le cas parce que les renforcements étaient très rapprochés, et parce que je faisais en sorte que l'élève soit toujours occupé de façon agréable pendant ce cours peu adapté.  Le coloriage l'occupait un peu (très rapidement je l'ai laissé dessiner seul le smiley), et le reste des 3 minutes était occupé, soit à effectuer une tâche demandée par le professeur avec une aide active de ma part pour que ce soit agréable pour l'élève, soit à surveiller l'heure sur sa montre, activité particulièrement plaisante pour lui, soit à faire un coloriage que je lui donnais quand le professeur parlait longtemps. Les premières fois il y a eu quelques ratés, mais très rapidement l'élève obtenait généralement 100% de smileys contents, et j'ai pu diminuer la fréquence du renforcement.  Je suis passée à 5 minutes, et ensuite je n'ai plus posé sur la table que le pictogramme, qui à lui seul permettait de rappeler à l'élève l'exigence prioritaire de silence, à laquelle il ne dérogeait qu'exceptionnellement. Il suffisait alors que je pointe la guidance du doigt pour qu'il redevienne silencieux.

Évidemment, les premiers cours n'ont pas été très productifs au niveau des acquisitions en arts plastiques, mais l'inclusion a été réussie, et une fois les bases posées et la guidance estompée, l'élève apprenait comme les autres. J'adaptais le travail en fonction de ses besoins, et nous travaillions sur les sujets donnés par l'enseignant.

 

Rq: Ce protocole a pu fonctionner pour cet élève parce qu'il désirait énormément être en inclusion (appartenir au groupe classe était une récompense puissante pour lui). Le renforcement par smileys ne faisait que baliser la route à suivre pour aller là où il voulait aller. Je ne pense pas que ça aurait fonctionné dans le cas contraire.

 

2.2.4  -  Le principe stimulus/réponse est pertinent pour de nombreux comportements, mais pas pour l'utilisation du langage (cf. Noam Chomsky, linguiste, dans "le langage et la pensée"). Le langage, si c'est un outil dont on dispose, sera toujours le moyen de communication préférentiel (cf. "Communiquer autrement: accompagner les personnes avec des troubles de la parole ou du langage" d'Elisabeth Cataix-Negre, ergothérapeute, livre très très très intéressant!!!!)). Si quelqu'un ne s'exprime pas par le langage, c'est qu'il ne peut pas. Encourager l'usage de la parole, lorsqu'elle existe, en donnant une récompense artificielle peut être utile si les récompenses induites naturellement ne sont pas suffisamment puissantes, mais vouloir la provoquer en mettant une récompense à la clé (que l'élève ne pourra pas obtenir malgré ses efforts) me semble néfaste en plus d'être inutile.

 

2.2.5 -  L'autostimulation est un renforçateur que la personne peut se donner à elle-même. Je ne sais pas trop comment considérer ces comportements. J'ai tendance à penser que l'autostimulation sert à rééquilibrer le bilan lorsqu'il penche trop du côté de la punition, afin de rendre la situation supportable. En effet, on observe très souvent un recul de ces comportements au fur et à mesure que l'accompagnement que reçoit l'élève est de mieux en mieux adapté à ses besoins, et une amplification quand l'élève est en difficultés. En tout état de cause, empêcher des comportement d'autostimulation constitue un punition négative à ne pas négliger.

 

 

2.3 - Donc, en pratique, ça se passe comment?

 

  • Je propose des activités adaptées bien ajustées, j'observe avec bienveillance, je prends le temps de passer des moments ludiques, détendus et agréables avec l'élève, je ne lui mets pas trop la pression, j'apprends à le connaître, je communique de façon bienveillante et positive avec lui et avec ses parents, je sait m'effacer pour ne pas faire obstacle entre lui et ses pairs ou au contraire, s'il le faut, intervenir pour faciliter les contacts, j'adapte et j'accompagne au plus près des besoins pour qu'il soit le plus possible en réussite, j'essaie en priorité de faire en sorte qu'il se sente bien à l'école, sans oublier d'être vigilante pendant les temps de récréation qui sont parfois les moments les plus difficiles. 

 

  • Quand l'élève a un comportement approprié je renforce, c'est à dire que je félicite, que je valorise et que j'encourage les efforts. Je peut aussi dans certains cas avoir temporairement recours à des renforçateurs artificiels.

 

 

  • Et je n'oublie pas que les systèmes récompenses/punitions liés à l'activité et à son contexte ne font pas tout. Comme pour chaque être humain, de nombreux autres facteurs entrent en compte dans les comportements de l'élève, comme la satisfaction de ses besoins fondamentaux, la peur de l'inconnu ou les états émotionnels, dont par exemple ceux liés aux difficultés de communication. Un élève qui a besoin d'aller aux toilettes ou qui vient d'être rejeté par son meilleur ami aura du mal à entrer dans le travail scolaire malgré tous les efforts que je pourrai faire pour rendre ce travail attractif. À l'inverse, un élève avec qui j'ai un plaisir sincère à travailler sera plus coopératif dans l'effort. Quand on l'est, (ce qui n'est pas mon cas), être un bon "technicien" des méthodes comportementalistes est une bonne chose, mais ça ne doit pas faire obstacle à la construction d'une relation authentique dans laquelle l'élève se sent vivant à travers les émotions positives qu'il partage avec nous et avec ses pairs. Ça ne doit pas faire oublier d'être attentif à la personne dans son intégralité et à ce que nous dit notre intuition, parce que la complexité de l'humain ne permet pas une rationalisation parfaite de l'ensembles des facteurs qui influent sur son comportement.

 

2.4 - Les comportements problèmes

 

Quand l'élève se met en danger ou met d'autres personnes en danger, il est nécessaire de demander de l'aide à des professionnels compétents. 

Pour les autres cas, quand l'élève a un comportement problème, règle d'or, JE NE PUNIS PAS! (ou plutôt j'essaie de ne pas punir).

 

La punition ne guide pas car elle n'indique pas ce qui doit être fait.

 

L' expérience suivante est très parlante: 

(C'est une expérience que j'ai eu la chance de voir en vidéo lors de ma formation en ABA. Si j'arrive à me la procurer je l’intégrerai au blog. En attendant, voici le souvenir que j'en ai gardé, en espérant en rendre compte assez fidèlement).

Un homme se trouve dans une pièce entièrement vide. Les expérimentateurs lui donnent pour objectif de se rendre à un point précis de la pièce déterminé par eux mais dont il ignore tout, que j'appellerai "l'endroit mystère". Deux protocoles sont mis en place.

 

Dans le premier cas, à chaque fois que l'homme fait un pas dans une mauvaise direction, il reçoit une décharge électrique modérée sur le poignet (délivrée par un collier anti-aboiements si ma mémoire est bonne), et quand il va dans la bonne direction, rien ne se passe. On a donc une guidance par la punition. On punit les mauvais choix, et on ignore les bons choix.

 

Dans le deuxième cas, un signal sonore est émis quand l'homme avance dans la bonne direction, et rien ne se passe quand il prend une mauvaise direction. On a maintenant une guidance par la récompense. Les bons choix sont récompensés par le signal sonore qui indique qu'on est sur le bon chemin, et les mauvais choix sont ignorés.

 

Dans le premier cas, lorsque l'homme se déplace dans la pièce pour essayer de trouver l'endroit mystère, il reçoit de nombreuses décharges électriques puisqu'il n'a aucune idée de la direction à prendre. Au bout d'un moment, totalement perdu, il ralentit le rythme de son exploration, espace ses essais, et finit par ne plus bouger, effrayé par la perspective de recevoir encore des décharges électriques qui, même si elles sont modérées, lui sont devenues insupportables.

 

Dans le deuxième cas, tout se passe très bien et très vite. L'homme explore la pièce, et les signaux sonores qu'il reçoit quand il se dirige dans la bonne direction le mènent facilement et rapidement à l'endroit mystère.

 

On voit bien ici que la guidance par la récompense est nettement plus efficace que la guidance par la punition.

Donc, j'essaie de ne pas punir. C'est facile à dire, mais pas toujours facile à faire. En tout cas c'est une visée que je garde en tête.

Pour autant, ne pas punir ne signifie pas ne rien faire, bien au contraire. Il faut identifier les sens du comportement, les facteurs déclencheurs, ce qui le renforce, et quel comportement alternatif approprié on pourrait proposer:

 

2.4.1  -  Identifier le sens du comportement par l'observation de son contexte d'apparition et des conséquences naturelles qui en résultent.

 

Prenons l'exemple d'un élève qui déchire certaines de ses fiches de travail. Le comportement apparaît au bout d'un certain temps passé à tenter de réaliser la tâche demandée, temps au cours duquel l'élève s'agite sur sa chaise et est bruyant. Le comportement n'apparaît  jamais sur des activités bien maîtrisées , toujours sur des activités difficiles et insuffisamment adaptées à ses besoins. Il est facile ici de voir le sens du comportement. En déchirant la feuille, l'élève exprime son besoin, devenu impérieux, de changer d'activité.

 

2.4.2  -  Identifier les facteurs déclencheurs du comportement.

 

Si on reprend le même exemple, j'identifie trois facteurs déclencheurs:

- Un travail à faire insuffisamment adapté.

- l'incapacité de l'élève à exprimer ses besoins de façon appropriée.

- L'absence de réponse satisfaisante des adultes aux premières manifestation de souffrance de l'élève.

 

Ces facteurs déclencheurs sont très souvent rencontrés. Il me semble utile de développer un peu ces trois points:

 

Les situations punitives trop fréquentes:

Comme le montre l'expérience ci-dessus, la multiplication des punitions provoque à minima le repli sur soi et l'immobilité prudente. Être en échec, rester de longues minutes à bloquer sur un travail, sentir la personne à côté de soi agacée, subir du bruit excessif, sont des punitions. Si le milieu scolaire n'est pas suffisamment adapté, l'élève pourra développer des comportements de repli dans les stéréotypies, des comportements d'évitement voire d'échappement, et des comportements agressifs.

À l'école le souci de l'autonomie de l'élève est constant, et c'est évidemment une bonne chose, puisque c'est l'objectif de toute éducation. Cependant, laisser un élève seul face à son travail n'est pas le mettre en situation d'autonomie. 

 

Travailler en autonomie ne peut se faire que si, à minima, les trois conditions suivantes sont remplies:

 

Je suis motivé :

C'est à dire que le bilan attendu du système récompenses/punitions est positif (voir §3.1) 

 

J'ai des outils pour faire :

La pédagogie classique part de l'expérience, de la manipulation, pour que l'enfant se construise sa propre représentation de la notion, avec une guidance de l'adulte pour que cette représentation soit la plus proche possible de celle qu'on veut transmettre. Une fois sa propre représentation construite, l'élève est capable de l'utiliser pour les tâches scolaires qui correspondent.

Chez un enfant avec autisme, la manipulation et l'expérience ne permettent pas toujours à elles seules l'élaboration d'outils mentaux. Elles sont une première étape indispensable, mais pas toujours suffisante.

Il est utile, pour la réalisation d'activités nouvelles ou d'activités pour lesquelles on a précédemment échoué avec les méthodes habituelles, d'apporter des outils spécifiques que l'enfant peut s'approprier et intégrer mentalement à force de les utiliser. Leur vocation est de disparaître quand l'élève peut réaliser la tâche sans.

 

Je pense que je vais réussir:

La vie d'une personne avec autisme est constellée de difficultés qui fragilisent terriblement la confiance en soi. On ne peut pas empêcher la vie d'être complexe, mais on peut œuvrer pour que l'élève soit le plus souvent possible en situation de réussite dans la réalisation des tâches scolaires. En améliorant la confiance qu'à l'élève dans ses capacités on améliore son enthousiasme et sa capacité à oser, indispensables à l'action.

 

Un besoin ou une envie qu'on n'arrive pas à exprimer:

L'absence de langage fonctionnel ainsi que toute entrave majeure à la communication, à la possibilité de s'exprimer, provoque une grande souffrance, éventuellement source de colère, de violence ou de repli sur soi.

Pour minimiser cette souffrance, il faut évidemment s'efforcer de tenter de comprendre ce que l'élève a besoin d'exprimer, et mettre en place des moyens de communication alternative quand c'est possibleVous trouverez une foule d'idées dans l'excellentissime livre "Communiquer autrement: accompagner les personnes avec des troubles de la parole ou du langage" d'Elisabeth Cataix-Negre.

 

Un élève que j'ai accompagné en moyenne section de maternelle faisait très souvent des colères quand ses parents venaient le chercher à la fin de la journée d'école. Il se roulait par terre et refusait catégoriquement de sortir de la classe. Évidemment, le gronder ne faisait qu'empirer les choses. Ses parents rentraient donc dans la pièce et tentaient de le calmer. Lorsqu'il avait fait de la peinture, le petit garçon manifestait souvent l'envie de ramener son dessin à la maison. Mais ce n'était pas possible, il fallait qu'il accepte de laisser son travail en classe, comme les autres. Cet enfant ayant d'importantes difficultés de langage, il ne pouvait pas raconter sa journée, et il nous est apparu que ses colères résultaient de son incapacité à partager son vécu avec ses parents. Nous avons donc mis en place un cahier journal dans lequel j'écrivais ce qui s'était passé dans la journée en imaginant ce qu'il avait envie de raconter (le travail, la récré, les copains, la visite du père Noël,...), et quand c'était possible, je dessinais de façon à ce que l'élève puisse "montrer". Les colères ont cessé en très peu de temps. Quand arrivait l'heure des parents, le petit garçon attendait sur le banc en serrant le cahier contre lui, et à l'appel de son nom, il sortait de la classe en courant.

 

Remarques:

 

-Le cahier journal doit être un outil de plaisir partagé entre l'élève et ses proches. Il n'est pas le lieu pour exprimer les difficultés rencontrées. Les smileys pas contents n'y ont pas leur place. Il doit permettre à l'élève de "raconter" et à sa famille de s'enthousiasmer. Pour ma part, je ne mentionne que les faits, je cherche à être la plus absente possible, pour que la communication se fasse entre l'élève et sa famille et non entre moi et la famille. La communication entre l'école et la famille doit utiliser un autre support.

 

- Pour un élève lecteur, on peut inclure sur une feuille séparée un court texte écrit à la première personne du singulier que l'élève pourra lire à ses parents en disant "je".

 

L'absence de réponse satisfaisante des adultes aux premières manifestation de souffrance de l'élève:

Une personne ayant du mal à communiquer peut se retrouver dans l'incapacité d'exprimer ses besoins de la façon standard, celle qui est donnée en modèle par le groupe social. Elle va donc devoir développer d'autres stratégies pour obtenir ce qu'elle veut. Souvent, le comportement problème est précédé de tentatives de communication infructueuses ou de signes de tension qui peuvent être perçus par un observateur attentif qui connaît bien l'élève. Si on agit dès l'apparition de ces premiers signes, on peut parfois éviter que le comportement problème n'apparaisse. Ça permet de désamorcer l'utilisation du comportement problème, ce qui est une première étape utile. Ça ne peut évidemment être qu'un fonctionnement temporaire. Il faut en parallèle que l'élève apprenne à exprimer ses besoins de façon appropriée, et donc qu'on lui indique un comportement alternatif dont il pourra s'emparer. Le point 3.4.4 traite de cette question.

 

 

2.4.3  -  Identifier les renforçateurs du comportement problème.

 

Dans le cas de l'élève qui déchire sa feuille, face à ce comportement, on peut envisager deux réactions possibles de notre part. Soit on change l'activité, soit on prend un bout de scotch et on répare la feuille pour la présenter à nouveau à l'élève. Dans le premier cas, l'élève obtient un excellent renforçateur puisque son comportement a eu l'efficacité souhaitée, il ne manquera pas de réutiliser le comportement problème à l'avenir quand une situation similaire se reproduira. Dans le second cas, son comportement n'a pas l'efficacité souhaitée puisqu'on lui présente à nouveau la fiche, il n'est pas renforcé. Qu'à cela ne tienne, il prend sa trousse et la fait passer par la fenêtre puis il fait une boule avec sa feuille, qui va rejoindre la trousse dans la cour. Forcément on le gronde et on le met sur la chaise à réfléchir pour qu'il se calme. En général on en reste là pour l'activité, et finalement l'élève a été renforcé, le travail a été mis de côté. On a aggravé la situation en faisant monter d'un cran l'intensité du comportement problème et on a dégradé la qualité du lien qu'on entretien avec l'élève. 

Certaines personnes considèrent qu'il faut continuer, obliger l'élève à se soumettre. Je l'ai vu faire, et j'ai vu souvent fonctionner sur l'instant ce type de contrôle par la peur ou la force physique. Parfois on est obligé d'agir en contraignant l'élève, quand la sécurité physique des personnes est en jeu et qu'on n'a pas d'autres ressources. En dehors de ces situations extrêmes et quand il existe d'autres options, c'est un choix à éviter absolument. En premier lieu pour des raisons morales évidentes, mais aussi parce que les conséquences d'une éducation basée sur la soumission par la force sont potentiellement désastreuses. N'oublions pas que l'enfant va devenir ado puis adulte, et qu'un jour il pourra devenir capable de faire exploser les chaines qui le contiennent. Installer un climat de coopération volontaire est plus difficile et plus long, mais c'est incontestablement plus efficace et profitable sur le long terme.

 

Nous voilà donc bien embêtés, car une fois que le comportement problème a eu lieu, c'est en fait souvent trop tard, il sera naturellement renforcé. C'est en particulier le cas quand le comportement est destiné à attirer notre attention, puisque dès qu'on intervient on renforce.

Dans certains cas, on peut éteindre le comportement problème en l'ignorant. C'est une technique très délicate qu'il faut utiliser avec une très grande prudence. Prenons par exemple une télécommande. Lorsqu'on appuie sur le bouton marche-arrêt, la télé s'allume. On est renforcé, donc on appuie logiquement sur ce bouton à chaque fois qu'on veut allumer la télé. Lorsque les piles sont vides, quand on appuie sur le bouton, on ne reçois plus le renforcement, la télé ne s'allume pas. Pourtant, on ne pose pas la télécommande après le premier essai infructueux. On appuie à nouveau sur le bouton, de façon plus rapide, et en appuyant plus fort, jusqu'à ce que, enfin convaincu que la télécommande ne fonctionne plus, on abandonne.

Il en est de même quand on ignore un comportement problème. Le comportement va s'aggraver dans un premier temps, c'est le pic d'extinction. Ensuite il va diminuer, faire un petit rebond, et normalement, si on tient le cap, s'éteindre. Mais il faut pouvoir tenir le pic d'extinction, ce qui est parfois très difficile voire impossible quand on en arrive à des mises en danger. Lâcher sur le pic d'extinction c'est renforcer un comportement encore plus problématique, et donc aggraver la situation. Il est plus que conseillé de se faire aider par un professionnel compétent quand on veut pratiquer l'extinction.

 

 

2.4.4  -  Proposer un comportement alternatif acceptable.

 

Une fois qu'on a diminué la fréquence d'apparition du comportement problème en intervenant dès les premiers signes précurseurs, au lieu d'apporter directement à l'élève la réponse attendue, on peut introduire une étape intermédiaire qui sera l'utilisation du comportement alternatif qu'on aura choisi. Par exemple, si je reprends l'exemple de la feuille déchirée, on peut préparer une petite feuille sur laquelle est écrite cette phrase: "c'est difficile". Quand on sent monter la tension à causes des difficultés du travail, on pointe la phrase pour que l'élève la lise à haute voix, et donc la dise, et seulement ensuite on propose d'apporter de l'aide ou de changer d'activité. Si le comportement alternatif a été judicieusement choisi, l'élève pourra peut-être finir par s'en emparer spontanément à la place du comportement problème. Dans un premier temps, on guide et on renforce artificiellement l'utilisation du comportement alternatif. À chaque fois au début, puis de moins en moins souvent, le renforcement naturel lié à l'efficacité du comportement alternatif devant théoriquement prendre le relais.

Rq: Il faut veiller à ce que le comportement alternatif qu'on propose à l'élève lui soit réellement accessible. L'utilisation du langage oral en particulier pouvant poser problème à certains, il faut parfois passer par d'autres moyens de communication.

 

2.4.5  -  Punir, parfois.

 

Je le redis, quand l'élève se met en danger ou met d'autres personnes en danger, il est nécessaire de demander de l'aide à des professionnels compétents. Les lignes qui suivent concernent des comportements problèmes qu'on peut gérer seuls. 

 

Il m'est arrivé souvent de punir. En premier lieu, il y a eu toutes les fois où j'ai puni sans le vouloir. En ayant des accents de reproches dans la voix, en m'agaçant ou en ayant des regards réprobateurs. Il me semble que ces petites punitions du quotidien sont totalement inutiles, il me faut encore travailler sur moi...

 

Mais il m'est arrivé aussi de punir sciemment, et je pense que dans certains cas et sous certaines conditions une punition peut être envisagée. 

 

Mais il est très important, quand c'est possible, que la punition n'implique pas de rapport de force entre l'élève et l'adulte. L'adulte doit agir de façon ferme pour que le protocole de punition puisse fonctionner, mais cette fermeté ne doit pas être accompagnée d'agressivité, sous quelque forme que ce soit. Les comportements agressifs, d'une part font souffrir, et d'autre part induisent des réponses agressives en retour par mimétisme. Notre façon d'agir est le modèle que nous présentons à l'élève, et qu'il reproduira. Il nous faut adopter une attitude bienveillante et douce, dans le geste comme dans la voix. 

 

Prenons par exemple une situation vécue avec un élève que j'ai accompagné, qui avait pour habitude de faire un petit peu mal quand il voulait qu'on intervienne pour l'aider, non pas par méchanceté évidemment, mais parce que c'est la solution efficace qu'il avait pu trouver pour exprimer ses besoins. Bien qu'ayant tout mis en oeuvre pour améliorer la situation sans punir, à cours de ressources et face à l'importance de l'enjeu pour l'avenir de l'élève, j'ai décidé de tenter la punition.

 

Ma présence habituelle à ses côtés lui étant plaisante et utile pour résoudre ses problèmes, j'ai imaginé le protocole suivant: Lorsque l'élève me faisait mal, je lui disais très calmement et doucement que j'allais sortir de la classe quelques minutes parce qu'il m'avait fait mal, je lui indiquais l'heure de mon retour, je prévenais mes collègues de mon départ et je sortais. Tout cela simplement, sans accents de reproche dans la voix. Quand je revenais, on reprenait normalement le cours des choses. 

 

Le protocole a très bien fonctionné. En quelques jours le comportement problème a disparu. Pour autant, sa mise en oeuvre n'avait nécessité de ma part aucune agressivité physique ou verbale et aucun rapport de force avec l'élève.

 

Rq: Cette punition a pu fonctionner avec cet élève parce que toutes les conditions étaient réunies, entre autres le grand respect de l'élève pour les règles, sa volonté de bien faire et mes efforts pour adapter le travail au mieux et être à son écoute. Ça échouerait très probablement avec d'autres ou dans d'autres conditions. Il s'agit juste ici d'illustrer mon propos, pas de donner des solutions prêtes à l'emploi. On ne peut faire que du sur mesure.

 

 

Publié dans Fondements théoriques

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